Les Vaibhashika ont une
interprétation des deux vérités – conventionnelle et ultime –
très différente de celle des autres écoles. Ils affirment que les
phénomènes qui relèvent de la vérité conventionnelle sont ceux
qui cessent d’ être identifiables lorsqu’ ils sont
physiquement ou mentalement décomposés en parties. Appartiennent à
la vérité ultime les phénomènes qui demeurent reconnaissables
indépendamment du fait qu’ ils soient physiquement ou
mentalement décomposés en leurs éléments constitutifs. Ainsi une
cruche en verre représente un exemple de vérité conventionnelle :
lorsqu’ elle se brise en tombant, nous ne pouvons plus
l’ identifier comme étant une cruche en verre. Une particule
indivisible telle que la conçoivent les Vaibhashika, étant par
définition insécable, constitue un exemple de vérité ultime.
Les tenants du Sautrantika
répartissent également les phénomènes selon les vérités
relative et ultime en ayant recours à des critères différents de
ceux des autres écoles bouddhiques. À leurs yeux, le facteur
déterminant est de savoir si une chose est ou non capable de remplir
une fonction. Tout ce qui est en mesure d’ engendrer un moment
d’ existence futur relève de la vérité ultime. La table qui se
trouve devant moi et la conscience visuelle que j’ en ai sont des
vérités ultimes, puisque chacun des moments d’ existence de la
table et de ma conscience visuelle qui l’ appréhende est la
cause de leurs moments d’ existence suivants. Les phénomènes
qui relèvent de notre esprit – les objets de la pensée tels
que l’ image mentale d’ une table quand je l’ évoque –
ne peuvent pas remplir de fonction ; ils relèvent donc de la
vérité conventionnelle.
Les Vaibhashika affirment que lorsque
s’ élèvent les perceptions sensorielles, la conscience perçoit
directement l’ objet, à l’ image d’ un miroir qui
reflète instantanément les choses. Les Sautrantika, à l’ instar
d’ autres écoles du bouddhisme, soutiennent que lorsque se
manifestent des perceptions sensorielles, la conscience fait
l’ expérience d’ une représentation mentale de l’ objet.
Cette dernière explication semble se rapprocher de la compréhension
scientifique actuelle du processus de la perception.
Selon la conception des tenants de
l’ Esprit-seul, les choses n’ existent pas indépendamment
de l’ expérience mentale que l’ on en fait. Les choses se
manifestant comme le résultat des mérites qui nous permettent d’ en
faire l’ expérience, elles sont donc dénuées de tout fondement
qui leur permettrait d’ exister indépendamment de l’ expérience
que l’ on peut en avoir. Toutefois, dans notre ignorance, nous
percevons les choses de façon erronée, croyant qu’ elles
existent indépendamment de nos perceptions, comme si elles étaient
dotées d’ une existence autonome. Étant donné que les
philosophes du Cittamatra estiment que la perception d’ un sujet
et d’ un objet éprouvés comme deux entités séparées est
erronée, le but du pratiquant, ou du yogi, de l’ école de
l’ Esprit-seul consiste à éliminer cette méprise.
Extraits de L'Art du Bouddhisme de Sa Sainteté le Dalai Lama
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